Les vœux présidentiels à la télévision

Les vœux présidentiels à la télévision: un dossier réalisé par le CLEMI.

Dossier réalisé par le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI). 

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Les vœux des présidents de la République, diffusés le 31 décembre à l’heure de la plus grande écoute, constituent un rituel quasi immuable. Lieu et décor ne varient guère. L’apparition à l’image du chef de l’État lui-même s’accompagne d’un ton et d’une gestuelle propres à toucher les téléspectateurs. Ces allocutions sont aussi des discours de circonstance qui se veulent des appels à la cohésion nationale et des bilans dont la teneur politique est plus ou moins marquée en fonction de la conjoncture.

Une cérémonie rituelle

Les vœux des présidents de la République, diffusés le 31 décembre à l’heure de la plus grande écoute (20 heures), constituent un rituel quasi immuable. Lieu et décor ne varient guère. L’apparition à l’image du chef de l’Etat lui-même s’accompagne d’un ton et d’une gestuelle propres à toucher les téléspectateurs. La prestation du Président ne laisse place à aucune improvisation : plusieurs prises sont enregistrées avant la diffusion qui a lieu en différé.

Lieu et décor

Le lieu est immuable : le palais de l’Elysée. Le décor varie peu : il s’agit, la plupart du temps, du bureau présidentiel d’où le chef de l’Etat s’adresse aux Français.

Le lieu. Il est souvent désigné par un mouvement qui va de l’extérieur vers l’intérieur du palais (bureau ou salon présidentiel), comme si le téléspectateur entrait à l’Elysée (Nicolas Sarkozy). Pour ménager une transition, le premier plan peut se terminer par un zoom en direction des fenêtres du bureau (Charles de Gaulle) ou par un fondu enchaîné (François Mitterrand et Jacques Chirac). C’est la plupart du temps une image de la façade de nuit qui introduit la retransmission, parfois un drapeau tricolore. Parfois seul le perron est cadré –allusion à l’accueil du téléspectateur (François Mitterrand) ; souvent c’est la façade en plan large qui est donnée à voir (Charles de Gaulle). Ces images, accompagnées par les très pompeuses Symphonies pour les soupers du Roi de Delalande choisies par Charles de Gaulle, s’ouvrent le plus souvent sur La Marseillaise. Avant d’apparaître à l’image, l’hôte présidentiel s’annonce par un carton exprimant l’invitation faite aux Français de manière formelle.

Le décor. A l’exception de Valéry Giscard d’Estaing qui choisit d’apparaître, le 31 décembre 1975, devant un feu de cheminée, son épouse Anne-Aymone à ses côtés, les Présidents sont la plupart du temps filmés assis à leur bureau ou, à partir de Nicolas Sarkozy, debout. L’espace de l’allocution coïncide avec l’espace de travail: le bureau. Le décor (dorures, lambris, meubles d’époque) évoque le pouvoir. Sans doute inspiré par les mises en scène intimistes des chefs d’Etat anglo-saxons, Valéry Giscard d’Estaing, quant à lui, a préféré s’adresser aux Français en compagnie de son épouse, au coin du feu. L’effet recherché est clair : créer un sentiment de proximité. L’ouverture sur les jardins de l’Elysée est privilégiée par Jacques Chirac et ses successeurs. Signalons enfin que, à partir de François Mitterrand et de l’Union européenne, le double drapeau tricolore et européen est de mise : un symbole fort.

Ton, gestuelle, regard

Les Présidents sont très conscients de leur ton, de leur gestuelle et de leur regard face à la caméra. Ces composantes de la représentation médiatique nous renseignent sur l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes. Ils éclairent la nature du rapport (affectif, paternel, etc.) qu’ils souhaitent instituer avec le public.

Le ton et la gestuelle. Le texte dit, appris ou lu sur un prompteur, s’accompagne d’un ton et d’une gestuelle concertés. Le ton assuré, oratoire, et la gestuelle animée du général De Gaulle contrastent avec l’expression figée et le ton professoral, teinté d’emprunts gaulliens de son successeur, Georges Pompidou. Valéry Giscard d’Estaing, pour sa part, donne le sentiment de composer un personnage: débit volontiers ralenti, bras et jambes croisés, efforts visibles pour être proche de son interlocuteur. François Mitterrand en revanche, adopte un ton dialogué qui rappelle la plaidoirie. Tout est mis en œuvre pour emporter l’adhésion : modulation de la courbe mélodique, accentuation des mots importants, Jacques Chirac, dans un souci d’expressivité, habille son discours de mimiques (gestes de la main, balancement du corps etc.) sur un ton solennel.

Le regard. Le cadre choisi est un cadre serré pour rendre plus proche, plus présent celui qui s’exprime. Pour souligner cet effet, le regard caméra est privilégié. François Mitterrand est présenté en plan poitrine, cadrage caractéristique des allocutions de fin d’année. Au début, le personnage est légèrement décentré vers la droite pour dynamiser le plan et renforcer la richesse de sa composition. Encrier, drapeau, lambris, cheminée sont autant de repères visuels pour construire la profondeur de champ. De lents mouvements de zoom avant soulignent les moments forts du discours prononcé « droit dans les yeux ». En trois cadres successifs, plan « taille », plan « poitrine »  puis gros plan, François Hollande se fait plus intime en « se rapprochant » du téléspectateur.

Répétition et mise en place

L’enregistrement des vœux de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing ne se limite pas à la seule diffusion des images à l’antenne. Parfois, les archives donnent accès aux rushes des répétitions.

Les vœux sont d’abord un texte appris par cœur (Charles de Gaulle, Georges Pompidou). Après 1971, le discours sera lu sur un prompteur. En visionnant les rushes des vœux de Georges Pompidou, on comprend qu’il ne s’agit pas d’un enregistrement en direct. Le discours est visiblement appris par cœur : le président a recours au texte quand il se trompe. Les meilleures prises sont sélectionnées au montage. La mise en scène qui préside au discours est concertée. En accord avec le Président, elle est réglée par le réalisateur, attentif à la composition et aux valeurs de cadre ainsi qu’à l’éclairage. La préparation du tournage de l’allocution de Valéry Giscard d’Estaing montre l’intervention des techniciens: preneur de son, maquilleuse, etc. Le réalisateur, que l’on entend hors champ, dialogue avec le président et son épouse. Pendant cette mise en place, le couple présidentiel manifeste son souci d’apparaître naturel à l’image: tous deux s’efforcent de poser leur voix. Dans son fauteuil, Valéry Giscard d’Estaing recherche l’assise adéquate, son épouse s’essaie à des regards caméra convaincants.

Un discours de circonstance

Les allocutions des Présidents de la République à l’occasion de la présentation des vœux aux Français sont des discours de circonstance qui se veulent des appels à la cohésion nationale. Ce sont aussi des discours attendus car ils dressent un bilan et dessinent des perspectives. Leur teneur politique est plus ou moins marquée en fonction de la conjoncture.

L’adresse aux Français

Elle repose sur l’affirmation d’une légitimité, celle du chef de l’État. Elle fait souvent ressortir un sentiment d’empathie à l’égard du peuple français.

L’expression de la légitimité. La légitimité peut se traduire par l’emploi d’un « je », très présent dans le discours de Valéry Giscard d’Estaing, repris plus tard par les chefs d’Etat qui s’estiment responsables devant ceux qui leur ont fait confiance (Nicolas Sarkozy, François Hollande). Elle s’exprime aussi par un « nous » qui suggère l’image du guide investi de la mission de conduire le peuple français et de lui montrer la voie (comme chez Charles de Gaulle ou François Mitterrand, par exemple).
L’énonciation de Valéry Giscard d’Estaing est fortement personnalisée, centrée sur le « je ». Ce désir de se singulariser vient sans doute du modèle anglo-saxon. Charles de Gaulle privilégie le « nous », un « nous » paternel et à valeur inclusive (moi et les Français) qui marque une filiation (« nous sommes héritiers d’une longue histoire »). Ce « nous » dialogue avec la France et « tous les peuples de la terre » (de Gaulle). Chez François Mitterrand, le « nous » a aussi une valeur inclusive (« moi » et « vous », solidaires d’un même projet). Il alterne avec un « je », surtout quand il exprime son attachement aux vertus nationales (« Je crois de toutes mes forces à la France qui gagne »).

L’expression de l’empathie. C’est l’empathie qui caractérise le plus souvent le rapport que le chef de l’Etat établit avec les Français. On retrouve des marques de compassion chez François Mitterrand (« Nous pensons d’abord à ceux qui souffrent ») et chez Jacques Chirac au lendemain du tsunami asiatique de 2004 (« Ce soir, mes pensées vont à toutes les victimes... »). Elles prennent la forme d’une anaphore au début de l’allocution de Nicolas Sarkozy (« Je pense à vous… »).

Bilan et perspectives d’avenir

Les vœux présidentiels sont l’occasion pour le chef de l’Etat de faire le bilan des actions conduites et de justifier le bien fondé de ses choix sur un ton qui se veut convaincant. Mais c’est aussi le moment d’évoquer avec confiance les perspectives d’avenir.

Le bilan. Passage souvent obligé dans une allocution de vœux, le bilan sert à dynamiser et à rassurer l’ensemble des Français, au vu des actions accomplies. Aussi ce discours fonctionne-t-il sur le mode de la persuasion.
La projection volontariste dans l’avenir laisse peu de place au bilan dans l’allocution du général de Gaulle, si ce n’est à travers des allusions aux « actions engagées » et « aux efforts entrepris ». En revanche, François Mitterrand et Jacques Chirac optent pour des bilans détaillés et argumentés, placés sous le signe de la crédibilité (« il aura fallu plus de quatre ans pour que l’on commence à se rendre compte que nous sommes sur le bon chemin », déclare François Mitterrand), mais aussi de la clairvoyance (« Vous remarquerez que les catastrophes annoncées ne se sont pas produites »). Valéry Giscard d’Estaing, pour sa part, préfère mettre en avant le rôle de la France à l’étranger (« Partout nous avons rencontré le rayonnement de la France »).

Les perspectives d’avenir. L’allocution des vœux, par sa nature même, est un discours incitatif et volontariste. Il nous éclaire sur la manière dont le chef de l’Etat entend conduire sa politique dans l’année à venir.
Même s’ils sont volontaristes, certains discours tiennent compte de la réalité d’échéances et de scrutins politiques à venir. Le discours du Général s’interroge : « [Le peuple français] va-t-il maintenir ou détruire un régime aussi efficace et salutaire ? » Cette vision de l’avenir contraste avec celle de François Mitterrand, plus politique et conjoncturelle (« Des élections législatives auront lieu...garant de l’unité nationale, je serai là pour assurer la continuité de nos institutions », déclare-t-il.), ou avec celles de Nicolas Sarkozy et François Hollande qui en appellent à la confiance de leurs compatriotes et offrent l’image de chefs d’Etat déterminés à résoudre les problèmes.

Le style

Le style de l’allocution (phrase, lexique, etc...) dévoile une part de la personnalité du chef de l’Etat. Mais le style atteste aussi de la culture du Président, nourrie par les classiques (c’est le cas pour Charles de Gaulle et Georges Pompidou), la fréquentation des tribunaux (pour François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy, par exemple) ou de l’ENA (comme Jacques Chirac ou Valéry Giscard d’Estaing).

La phrase. Dans sa construction, ses balancements, son rythme, etc..., la phrase témoigne du mode d’énonciation choisi : dialogue avec la France (Charles de Gaulle) ou avec les Français dans une rhétorique du questionnement (Georges Pompidou), de l’argumentation (François Mitterrand), de la démonstration (Jacques Chirac), de la persuasion (Nicolas Sarkozy).
La phrase chez Charles de Gaulle se développe sur un mode oratoire : prédilection pour le rythme ternaire et l’enchaînement logique des idées (« Pour que la France poursuive son progrès, pour qu’elle maintienne son indépendance, pour qu’elle appuie la cause de la paix... »). Georges Pompidou en revanche, affectionne le rythme binaire, la rhétorique du questionnement et la cadence mineure (« Voilà bien de l’autosatisfaction, me dira-t-on. Et pourquoi serions-nous insatisfaits ? »). François Mitterrand recherche l’adhésion (« Croyez-moi ») et utilise volontiers des phrases courtes pour renforcer son argumentation. Jacques Chirac choisit le cadre de l’exposé, analytique et énumératif (« Poursuivre... Continuer... Encourager... permettre... Donner... »). Le style, ici ou là, se révèle plus « démotique » chez Nicolas Sarkozy, où, en dépit d’une lecture du texte sur un prompteur, affleure le « parler-vrai » propre au Président nouvellement élu afin de mieux se faire comprendre.

Le lexique. Le choix de l’adresse (« Françaises, Français » ou « mes chers compatriotes » ou « mes chers amis »), des mots, formules et métaphores caractérisent l’allocution.
Les uns et les autres utilisent des métaphores, des personnifications (« Que la France montre la voie », dit Nicolas Sarkozy), cultivent parfois le goût de la formule. L’allocution de Valéry Giscard d’Estaing n’échappe pas à quelques lieux communs (« notre univers tourmenté et violent »). François Mitterrand, lui, a recours à des expressions plus concrètes qui renvoient à un registre familier (« Demandez donc aux bénéficiaires de la retraite à soixante ans si cela coûte cher un repos après tant de travail ! »). Nicolas Sarkozy et François Hollande structurent leur propos autour de mots clés et de slogans mobilisateurs (« Il ne s’agit pas de faire des discours ! », « Ce cap sera tenu », etc.). L’exposé du second, fait de phrases très courtes, est sèchement structuré (« Justice fiscale… Justice sociale… Justice entre les générations…).

Décryptage : cette rubrique réalisée par le CLEMI à partir du fonds de l’Institut national de l'audiovisuel (INA) vise à proposer une lecture et une interprétation d’archives télévisuelles. Chaque dossier invite à réfléchir à l’évolution d’un genre ou d’un motif télévisuel, ou renvoie à l’anniversaire d’un événement majeur.

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